Encuentros multiculturales de artistas en la Línea SuR-NoRtE // Cromlech de M'zora - Yacimiento arqueológico de Lixus // Larache-Marruecos

lunes, 26 de noviembre de 2018

BienvenUE. Une œuvre unique, le fruit d’années de travail partagé


BienvenUE

Une œuvre unique, le fruit d’années de travail partagé, 
et le début d’un voyage vers le Sud

Après un long parcours de dix ans de création collective, l'exposition BienvenUE est là! Elle est présentée par le Musée L de Louvain-la-Neuve (Belgique), et rassemble un certain nombre d'artistes qui ont accompagné l'ouverture et l'extension d'un chemin créatif très particulier, que nous appelons Ligne Sud-Nord

Le projet est né en 2009, très simplement, dans un lieu de la montagne du Nord du Maroc (le Cromlech de M'zora, à Larache). Depuis lors il s’est nourri et construit, en partant de la capacité de l'art à générer des actions et des œuvres, des rencontres et des propositions : tout un itinéraire d'art contemporain, dédié à ceux qui voient leur liberté refusée, en particulier celle du mouvement et de la survie, avec des situations aussi dramatiques que celles qui se produisent dans le détroit de Gibraltar et dans la Méditerranée en général.

Nous croyons fermement à la capacité de l'art de créer un imaginaire positif de la réalité, une forme d’utopie qui, depuis son propre espace, ancre la part de ce qui est humain dans le monde réel, et de ce fait-même arrête d'être une chimère. L'art, compris de cette façon, offre un phare d'espérance spirituelle, qui élève au plus haut nos meilleures qualités en tant qu’êtres humains. Les valeurs telles que l'empathie, l’altérité, la solidarité ou la justice ne sont pas dans ce travail artistique un but, mais un fait vérifiable, une façon d’être dans le monde. De cette manière, une réponse créative légitime est fournie aux situations injustes produites dans le cadre d'un système qui valorise davantage le matériel que le spirituel, plaçant les individus derrière les intérêts particuliers d'une minorité.
Nous avons appris, entre autres avec Roland Barthes, à interroger l’ «autorité», qui se forme grâce à l’apprentissage de plusieurs «auteurs», sans lesquels il ne peut y avoir d’«auteur». Nous sommes aussi fortement influencés par les situations sociales qui conditionnent l’acte créatif comme tout autre travail et dans lesquelles nous sommes toutes et tous immergés. L'essence même de l'art produit le besoin spirituel de questionner et de répondre de façon diachronique à la réalité qui se matérialise dans une création toujours renouvelée. Aujourd'hui, la dichotomie art-spectateur n’existe plus, les deux font partie du même corps, ils se fusionnent et se confondent. Selon notre point de vue, l'art  échappe à ces catégories, et s’échappe aussi des institutions et des structures commerciales, afin de naviguer dans le monde réel et d’y apporter sa pierre utopique, comme on le voit dans cette exposition.

Nous avons appris aussi que l'art est politique ou n’est pas ! Benjamin, Adorno, Habermas, Bauman, Groys, Derrida ou Foucault, Goldsmith et tant d'autres, avec leurs visions différentes… Et chacun de nous avec ses influences distinctes et ses préférences concrètes, est le fils d'une longue lignée d'artistes, de situations et de mouvements. Tatline et le constructivisme, Dada, Tzara, Breton, Magritte, Duchamp, Art conceptuel, Situationnisme, Beuys, Fluxus, Land Art, Arte Póvera, mouvement performatif et d'autres encore ont ouvert la voie au meilleur de l'esprit humain. Nous avons vu avec empathie l'art primitif, dans les cavernes, mais aussi celui à travers lequel les premières civilisations ont cherché et incarné des réponses à leurs univers et préoccupations.
Notre chemin est conscient et engagé, nous apprenons de tous et ne restons longtemps nulle part. Tout cela nous donne la force de plonger et de faire émerger du monde d'aujourd'hui tous ceux et tout ce que nous considérons digne de composer cette œuvre gigantesque qu’en toute simplicité nous portons vers l’avant. À partir de nouvelles façons de comprendre l'art contemporain, nous avons réussi à nous connecter socialement et, avec une voix polyphonique, à créer un mouvement qui dure depuis dix ans, composé d'une multitude de rencontres et de parcours, d'artistes et de personnes engagées dans l'idée d'un monde différent, plus humain.

Divers groupes d'artistes se sont créés comme Eimigrative Art, SinEángulo, La Spirale ACC, Titre à Venir ou d'autres qui, ensemble ou séparément, ont pu développer des rencontres (M'zora, Asilah, Stavelot, Tétouan, Requena-Utiel, Mas d’Azil, Chefchaouen, Fez, Paris, Lixus, Tanger, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, Madrid, etc.), allant jusqu’à créer un musée transfrontalier et itinérant, le MUZOO, aujourd’hui exposé dans les salles du Musée L. Et tout cela peut être légitimement considéré comme une seule œuvre composée de multitudes de créations, apparemment hétérogène dans ses formes, et complètement homogène quant aux aspirations et à la conception qui lui a donné naissance. Une œuvre qui, depuis longtemps, se développe de façon organique, avec une cohérence interne indiscutable et un résultat formel visible.

Cette création peut être considérée comme un jalon historique, inscrit dans le temps, avec la contribution et l'action d'un groupe innombrable d'artistes et de collaborateurs. Elle finit et redémarre dans chaque rencontre collective et s'enrichit grâce à des personnes et des œuvres intimement interconnectées, pour former une réponse nécessaire et contemporaine de justice sociale. C’est aussi un mouvement, un désir à travers lequel nous voyons comment d'autres personnes, d’autres artistes se développent aussi à partir de leurs propres postulats, par leurs chemins et moyens, avec lesquels nous sommes fondamentalement et sans aucun doute d'accord.

Instalación Charley Case. M’zora, 2009.

Ce qui peut être expérimenté dans les différentes salles, installations, performances, projections et activités participatives de l'exposition BienvenUE, est une œuvre unique, unie dans ses différentes facettes, résultat d'un long et laborieux processus de création collective, qui a mûri au fil des ans et des actions de nombreux artistes, pilotes et collaborateurs, de facilitateurs aussi dans le cas du Musée L. Et tous font également partie du navire.

On peut apprécier la matérialité d'un parcours qui ouvre des frontières symboliques, en reliant l'Afrique et l'Europe, le Sud et le Nord, par un travail de talent, polymorphe, polyphonique, concret et organique. Un récit s’est ainsi construit qui, dans son essence même, est une collaboration généreuse, à mille lieues de tout intérêt individuel, commercial ou économique, et qui montre que ce que nous proposons est possible, que ce que nous créons s’incarne dans notre manière de faire elle-même. C'est un résultat organique, qui habite un espace et un temps spécifiques, et qui a acquis la capacité de continuer à faire grandir cette utopie.

Nous nous inscrivons dans cette démarche pour combattre le drame de l'existence humaine, vécu malheureusement par tant de gens, et nous démontrons par l'exemple qu’il est possible de leur apporter humblement un peu d'espoir, à partir d'une position forte et pourtant nomade, en mouvement perpétuel. Il est nécessaire d’insister sur le fait que, pendant que ce travail se crée, il nous fait grandir nous-mêmes ainsi que tous ceux qui l’approchent d'une façon ou d'une autre, en générant une prise de conscience, en dehors de toute intention élitiste, d'une manière simple, proche de la nature et surtout plus humaine et accessible.

Il m’a semblé que ces notes rapides pourraient servir à alimenter une vue d’ensemble de ce travail, de cette œuvre essentielle et à en faciliter la compréhension. Je ne peux terminer ce texte sans exprimer nos remerciements à tous, et particulièrement à l'équipe du Musée L qui nous a ouvert ses portes avec générosité et soutien, à la Tabacalera (Madrid) qui prendra le relai, et au Musée de Tétouan qui lui aussi accueillera la caravane nomade. Mais aussi, et de manière toute spéciale, à tous les artistes et à tous ceux qui ont travaillé et accompagné le projet, comme ils l’ont fait tant de fois, en y apportant leur grand talent et un énorme cœur.  


 Emilio Gallego, Octobre 2018

(traduit de l'espagnol)